Corriger un roman : retravailler le texte

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Nous avons préparé nos corrections ensemble dans mon article précédent,  et maintenant, il est temps de retravailler le texte. Il s’agit peut-être de la première phase de correction, après une relecture de ton roman en solo, ou bien d’une phase ultérieure, après avoir reçu les retours de tes béta-lecteurs. Je procède de la même façon dans les deux cas, c’est à dire avec beaucoup de thé et de chocolat noir.

Le plan de correction

Photo de Mary Taylor provenant de Pexels

Je laisse parler mon inconscient lors du premier jet, par contre je fais un plan avant de corriger. Prévoir de grands axes de travail me permet de :

  • garder le fond en tête, sans me laisser distraire par les détails,
  • pouvoir travailler par axe,
  • mesurer ses avancées sur le fond d’une façon plus juste qu’un % du volume corrigé. 

Comment faire un plan de correction (ou plan de bataille si tu es en mode warrior) ?

Je te propose de rassembler tes pistes de correction et/ou celles de tes béta-lecteurs, par grands thèmes, en distinguant ce qui relève du fond et de la forme. Commence par corriger le fond, sous peine de te retrouver avec de magnifiques scènes inutiles. Les supprimer devient encore plus difficile après avoir travaillé le style. Je te recommande de faire la différence entre un retour factuel (cette action est incohérente) et un goût personnel (je n’aime pas cette action). Le premier nécessite une correction, le second se discute.

Corriger le fond

 J’ai repris mes cahiers d’écriture et voici les thèmes récurrents lors de mes correction de fond :

  • univers : lui donner plus de vie et de profondeur, corriger les incohérences éventuelles, bien vérifier que les informations sont distillées au bon moment, mais pas trop à la fois, pour éviter l’info dump. La précision des mots joue : un arbre n’évoque pas la même chose qu’un chêne, un ginkgo, ou un baobab. Une tartine ne suscite pas les mêmes impressions qu’un croûton de pain (dédicace spéciale à Jean-Claude Dunyach). 
  • intrigue : vérifier que les événements s’enchaînent d’une façon logique, toujours penser à la solution la plus simple, si tes personnages en prennent une autre, il faut le justifier.
  • repères spatio-temporels : faire une frise avec les différents événements, contrôler les directions et les temps de déplacement (je n’ai aucun sens de l’orientation, même en matière d’écriture…).
  • personnages :  leurs réactions doivent correspondre à leur caractère tout au long du roman, avec une évolution intéressante, en lien avec les grandes thématiques de l’histoire ? (voir  structurer son roman). Tu peux créer un fil par personnage pour le vérifier.
  • rythme et les rebondissements : pour donner envie de lire la suite pose-toi quelques questions. Les enjeux sont-ils clairs ? Les menaces font-elles assez peur ? Le lecteur est-il surpris ? Le rythme entre les scènes est-il bien dosé ? Tu peux représenter l’intensité de chaque scène sur un graphique, pour vérifier si la courbe correspond bien à ce que tu voulais faire. 

Corriger la forme

Dans « Écriture, mémoires d’un métier », Stephen King parle de la règle des 10%, selon laquelle un manuscrit perd 10% de son volume lors d’une phase de correction. Je pense que cette règle n’est pas générale, car les corrections de fonds peuvent t’amener à développer certains thèmes pour le bien de l’histoire. Toutefois, je pense qu’il faut se montrer impitoyable lors des corrections de forme et couper tout ce qui dépasse. À titre d’exemple, Anergique comptait 370 000 sec  (signes espaces comprises) dans sa v4. Mon éditeur m’a recommandé d’enlever environ 20 000 sec pour rendre l’histoire plus intense et ma v5 en compte finalement 40 000 sec de moins soit 12% environ.

Je n’ai pourtant supprimé aucune scène. Ne t’arrache pas les cheveux, car tu trouveras ci-dessous des pistes pour enlever ce qui alourdit ton roman :

  • too much : comme dit le proverbe, les meilleurs blagues sont les plus courtes. Trop d’états d’âme agace le lecteur au lieu de l’émouvoir. Les personnages qui se complaisent dans leur drama deviennent pitoyables et agaçants. Fais court et percutant pour laisser de la place à l’imagination du lecteur. 
  •  dialogues : je te recommande de les lire à haute-voix pour vérifier qu’ils sonnent juste. N’oublie pas que les dialogues remplissent plusieurs fonctions en même temps :
    • décrire celui qui parle (caractère, éducation, émotions…),
    • transmettre des informations,
    • créer et résoudre des conflits entre les personnages.
  • show don’t tell : au lieu de le raconter, montre-le. Je n’ai pas le temps de m’attarder sur cette technique dans cet article, mais tu en trouveras un par ici. J’ajoute qu’il ne faut pas raconter la même chose sous différentes formes :  tell, show et dialogue. Il faut choisir :
    • show : Les yeux de machins le brûlaient à force de 
    • tell : Machin corrigeait son manuscrit depuis des mois.
    • dialogue : – Tu pleures ?
  • structures de phrase répétitives : cette rengaine lasse le lecteur. Pour ma part, j’abuse des structures suivantes : « Puis / alors / pourtant, blablabla » ainsi que « Bidule fait ceci et Machin fait cela. » Une amie utilise trop souvent la formule « Bidule savait que blablabla / Machin avait conscience de blablabla. »
  • rythme des phrases : les phrases courtes créent un rythme rapide qui s’associe aux scènes d’action, tandis que les phrases longues s’accordent davantage avec l’introspection, la description et les passages plus lents du récit. Toutefois, n’oublie pas de casser le rythme pour éviter que tes lecteurs ne s’endorment.
  • tournures lourdes : il s’agit des adverbes en -ement et des verbes au participe présent. Je ne te recommande pas de les bannir, mais de les utiliser avec parcimonie. Pareil pour les points d’exclamation ! (oups)
  • verbes faibles : ces verbes passe-partout manquent de précision. Il s’agit parfois du bon mot, mais souvent cette banalité rend le texte moins percutant. Voici un article qui traite du sujet par ici.
  • orthographe et grammaire : fais de ton mieux pour éviter que le nombre de fautes rebute tes lecteurs, mais tu n’es pas correcteur. Notre métier d’auteur, c’est d’écrire des histoires.

Certains auteurs utilisent un logiciel nommé Antidote pour les aider à traquer les répétitions, les verbes faibles, les adverbes en _ement etc. Je ne l’utilise pas, car j’ai travaillé mon écriture en amont pour éviter ces travers, mais renseigne-toi si tu en ressens le besoin.

J’espère que tu te sens moins perdu(e) et que l’ampleur du travail ne te décourage pas. Si un point en particulier te pose problème, n’hésite pas à me le signaler en commentaire, ou sur les réseaux sociaux. En tout cas, ne reste seul(e) dans ton coin. C’est souvent en échangeant des idées que les difficultés se résolvent.

J’aime corriger en général, mais parfois un roman finit par me sortir par les yeux (d’où le thé et le chocolat noir).

Tu as le droit de te reposer entre les corrections de fond et de forme. Va faire un tour, travaille sur un autre projet, reprend un carré de chocolat. Le plus important, c’est d’écrire avec plaisir.

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