Ceux qui me connaissent savent que ces trois mots ne me ressemblent pas. Structurer son roman, planifier, faire des fiches… je ne suis pas le genre d’autrice qui recours à ce genre de préparation parfaitement raisonnable. Cela dit, je me suis aperçue avec le temps que mes histoires respectent un schéma récurrent. J’ai beau écrire mes premiers jets au fil de la plume, je reproduis d’instinct un canevas que je vous présente aujourd’hui.
Attention, cet article de blog n’est pas un cours d’écriture, ni un récapitulatif de toutes les méthodes permettant de structurer son roman. C’est un partage d’expérience qui vous inspirera peut-être.
Le drame en trois actes
Comme son nom l’indique, cette structure comporte trois parties.
Elle nous vient d’Aristote et c’est une méthode éprouvée, encore très utilisée de nos jours. Il suffit de penser aux Disney et aux histoires de super héros par exemple.
Certains lui reprochent d’être trop prévisible et de manquer d’originalité. Un œil averti la repère facilement, mais elle est efficace. En ce qui me concerne, j’en reprend certains certains éléments, mais sans la suivre pas à pas.
Acte 1 : exposition
Il s’agit de présenter l’univers et le personnage principal dans son environnement quotidien. L’intrigue démarre quand votre héros découvre un but qu’il va essayer d’atteindre. Parfois, un événement, un objet ou un personnage va marquer le passage du monde normal (ou du monde d’avant) au monde surprenant (ou le monde d’après). Il s’agit par exemple du miroir d’Alice, du terrier de Totoro, de Gandalf, d’Obi-Wan Kennoby, d’une apocalypse, d’une invasion de zombis, ou de l’arrivée des Bingley dans le voisinage…
=> Le monde ordinaire m’ennuie profondément, raison pour laquelle je fais intervenir l’élément déclancheur au début du roman. Ne comptez pas sur moi pour décrire la généalogie des hobbits et le jardin des Dursley. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont mes personnages vont réagir au changement. Carys retrouve Toweda sur un astéroïde paumé, Maria infiltre le cirque, Amiya suspecte le retour de la violeuse d’énergie… Du coup, je décris le monde ordinaire en filigrane dans l’acte deux, sous forme de comparaison avant-après.
Acte 2 : confrontation
Le héros met son plan en action, mais tout ne se passe pas comme prévu. Il rencontre ses alliés, ses antagonistes, il découvre d’autres façons de voir le monde et ses certitudes volent en éclats.
=> J’adore sortir mes personnages de leur bocal et voir comment ils vont réagir. Je prends un malin plaisir à réduire leurs certitudes en miettes pour les pousser à s’interroger sur leurs valeurs et leurs buts dans la vie. Carys est partagée entre amour et loyauté, Maria découvre que ses parents ne sont pas morts comme elle le croyait, et… je ne vous spoilerai pas Anergique.
Acte 3 : résolution
Le héros échoue après avoir connu un moment heureux, ou le héros réussit après avoir traversé un moment de désespoir. Le climax est un moment de bascule : l’histoire aboutit à un nouvel équilibre. Parfois tout redevient comme avant, parfois rien n’est plus comme avant et l’acte trois montre les conséquences de cette résolution. Le monde, ou le regard du héros sur le monde, en ressort changé.
=> Mes romans possèdent bien un acte trois, avec un dénouement que j’espère satisfaisant. J’essaie de trouver un équilibre entre fermer toutes les portes et laisser assez d’espace pour que l’histoire se poursuive dans l’esprit des lecteurs. Je combine cet acte trois avec la septième étape de Truby que nous aborderons ci-dessous.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur la structure en trois actes, je vous recommande cet article.
Les sept étapes de John Truby
Dans Anatomy du scénario, John Truby définit sept étapes principales pour structurer une histoire, qu’il détaille ensuite en 22 étapes plus précises. 22 étapes, c’est trop compliqué pour moi, mais ses sept étapes me parlent. Truby insiste sur l’aspect organique, et non artificiel de ce découpage. Je les trouve plus naturelles et moins prévisibles que les trois actes.
Étape 1 : faiblesse
Le héros possède une faiblesse qui lui pourrit la vie. Il s’agit d’un besoin moral profond dont il n’a pas conscience.
Étape 2 : désir
C’est l’objectif que le héros poursuit consciemment.
=> Ces étapes sont très proches de ce que j’écris instinctivement, mais j’ai déjà parlé de la création des personnages selon Truby dans mon précédent article, donc je ne m’y attarderai pas dans celui-ci.
Étape 3 : adversaire
Ce personnage empêche le héros de réaliser son objectif. Souvent, il désire la même chose que lui. Ils vont donc rentrer en conflit.
=> Selon moi, l’adversaire doit attaquer la faiblesse morale du héros. Son caractère est lié au débat évoqué dans le roman. Il doit proposer une vision du monde différente de celle du héros, pour que le conflit ne soit pas seulement physique mais aussi moral. (Comment concilier les sentiments personnels avec la loyauté envers sa patrie ? Peut-on vivre libre sans jamais prendre de risque ? Comment trouver sa place dans sa famille et dans la société ?)
Étape 4 : plan
Votre héros met en place des stratégies pour réaliser son objectif.
=> C’est très important pour moi, car le plan en révèle beaucoup sur le personnage qui le conçoit. Va-t-il foncer dans le tas, user de persuasion, de corruption, de manipulation ? Que sera-t-il prêt à sacrifier pour obtenir ce qu’il souhaite ?
Les héros montrent leur vrai caractère sous pression, quand le plan ne fonctionne pas. Ce sont leurs échecs, plus que leurs réussites, qui les poussent à changer.
Étape 5 : affrontement
Le héros et l’adversaire s’opposent pour atteindre leur objectif.
=> Lors des affrontements, j’essaie de montrer que ce sont non seulement des personnages, mais aussi des visions du monde qui s’affrontent. En réalité, les combats sont généralement déséquilibrés et rapides. Dans la fiction, nous pouvons leur donner plus de sens.
Étape 6 : révélation personnelle
Grâce à l’affrontement, le héros va comprendre quelque chose de fondamental sur lui-même. Cela va l’amener à prendre conscience de son besoin moral et à changer pour le combler (ou pas).
=> C’est une étape essentielle pour moi. Il faut bien garder en tête le fait que l’objectif du héros et son besoin moral ne concordent pas toujours. Parfois, le héros comble son besoin moral sans atteindre son objectif et l’histoire finit plutôt bien. Parfois, le héros atteint son objectif sans combler son besoin moral et l’histoire finit plutôt mal.
Étape 7 : nouvel équilibre
Suite à cette révélation, le héros se transforme et devient une personne différente. Il peut s’agir d’une évolution positive ou négative. Dans les deux cas, sa vision du monde a changé.
=> Je trouve la méthode organique de Truby très intéressante, mais aussi linéaire. Du coup, j’aime l’appliquer à plusieurs personnages principaux, qui ne traversent pas les mêmes étapes au même moment.
=> J’aimerais aussi que le regard du lecteur change entre le début et la fin de mon roman, même si c’est une grande ambition.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur la méthode organique de Truby, je vous recommande cet article.
Structurer une histoire à la Célia
- Commencez par le déclencheur.
- Condensez l’acte 1 en un chapitre maximum, et/ou décrivez-le en filigrane pendant l’acte 2.
- Suivez les étapes 1 à 5 de Truby pendant l’acte 2 mais appliquez les à plusieurs personnages principaux. Arrangez-vous pour qu’ils ne traversent pas la même étape en même temps afin de créer des décalages, des contrastes et des interactions plus riches. Par exemple, un personnage peut souffrir de sa faiblesse pendant qu’un autre établit son plan.
- Suivez les étapes 6 et 7 pendant l’acte 3.
- Montrez l’évolution des personnages entre la fin et le début, en espérant qu’elle inspirera les lecteurs.
Et si vous souhaitez passer aux corrections, c’est par ici !
Oh oui, c’est très inspirant. Je crois qu’il faut que je fasse cette recherche de faiblesse morale / évolution du personnage pour vérifier qu’elle s’applique bien à chacune de mes héroïnes de Plan Georgette.
Merci Oxy ! Je pense que tes héroïnes pourront ainsi gagner en profondeur.